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Autorité : la loi et la sanction

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La question de l’autorité est permanente chez tous les animateurs et animatrices. Elle se traduit de manière diverse :

  • Comment me faire respecter ?
  • Comment maintenir un cadre entendable, sans être dans un rapport de force ?
  • Comment mettre en place des règles et défendre en même temps des idées de participation, de démocratie ?
  • Faut il mettre en place des punitions, des sanctions ? Qu’est-ce qui distingue réellement punitions et sanctions ?
    Malgré le peu d’espace laissé à cette vaste question, voici donc quelques réflexions et quelques principes de base.

La loi est une nécessité
La présence de la loi (les règles de vie, le règlement, les usages, les lois fondamentales...) sont des cadres nécessaires à toute situation de vie collective. Elle est une nécessité structurante et permet de prendre place dans un groupe, au sein de la société. L’individu a plus de possibilités de se situer et de progresser dans un environnement structuré (la loi en fait partie intégrante) que dans un espace flou où les limites ne sont pas définies explicitement, où elles apparaissent au détour d’un problème sans que les enfants aient pu les voir arriver.

Notre attitude face à la loi influera sur la socialisation de l’enfant. Par ailleurs, il est plus facile à l’individu de remettre en cause une loi existante et clairement posée, s’il n’est pas d’accord avec, qu’une loi vague, non assumée, implicite. Ce qui pourrait être en débat, ce n’est pas l’existence ou non de la loi mais son contenu, ses modalités de construction, d’évolution ainsi que la place et le pouvoir, d’une part de l’adulte, d’autre part des enfants dans sa construction, son évaluation et sa transformation.

Faire respecter la loi, c’est aussi assurer la sécurité physique et affective de tous les enfants...
L’intervention de l’adulte vise les auteurs des infractions... mais elle est aussi dirigée vers l’ensemble de la communauté d’enfants qui, spectateurs, à travers l’intervention de l’adulte identifieront s’il assume ou non son rôle. Les enfants mesureront alors, de ce fait, si l’adulte était et sera en mesure d’être garant de leur propre sécurité s’ils se trouvaient victimes d’un acte causé à leur encontre.

Ils identifieront enfin l’adéquation entre l’infraction et la sanction (juste ou injuste). Sa graduation aura alors son importance. Ils observeront comment l’enfant sanctionné se sortira de cette situation.
Dans ce contexte l’adulte devient un élément de la sécurité physique et affective de l’enfant à travers sa capacité à le protéger de lui-même comme des autres.

Intervenir à chaque transgression
Ne pas intervenir, faire semblant de ne pas avoir vu sont des attitudes qui sont dangereuses pour l’animateur : l’animateur « gentil » n’est plus considéré par les enfants, les adolescents comme un adulte ou comme un animateur. Il devient le complice ou le gentil qui laisse tout faire...

On se doit donc d’intervenir, d’identifier l’acte, de le notifier, de mettre des mots. Au cas où l’on serait pris un peu au dépourvu il convient malgré tout de signifier l’acte de transgression tout en temporisant sa gestion : « J’ai vu et on en reparlera plus tard » Cette temporisation, cette mise à distance dans le temps permet à la fois :
de signifier l’acte et de ne pas se décrédibiliser
de prendre le temps de réfléchir à la gestion de la situation et éventuellement de le traiter en équipe
de laisser le temps à l’enfant ou à l’adolescent de réfléchir aux conséquences de son acte

Hiérarchiser les lois : distinguer la Loi, de la règle, de la consigne.
Intervenir à chaque fois, sanctionner chaque transgression pose de fait la question du nombre d’interventions à faire sur une journée, sur un séjour. Si je dois sanctionner en permanence, je n’ai plus qu’un rôle de « flic », je suis considéré comme le « chieur » de service et mon intervention s’en trouve décrédibiliser. Mon intervention se dilue...

La question de l’adaptabilité des règles se pose donc. Pour ne pas mettre en difficulté le public que j’accueille (et par conséquence moi-même) les règles doivent correspondre aux capacités collectives et/ou individuelles de mon public. Pour expliciter cette notion, prenons un exemple sur un centre de loisirs. Les enfants lors d’un conseil des 9-12 ans proposent d’interdire les insultes entre enfants. Après échanges et discussions, les animateurs/trices refusent l’adoption de cette règle considérant que les enfants ne pourront l’appliquer et que les transgressions seraient plus que quotidiennes. Cette règle devenait donc une consigne : il n’est pas bien d’insulter (et on peut imaginer tout un travail de sensibilisation sur les insultes...) mais l’insulte ne pouvait provoquer de sanction.

De même il convient de distinguer les types de transgressions : on ne peut considérer toutes les transgressions de la même façon. Ne pas ranger son bol après son petit déjeuner ou insulter/menacer un animateur ne peut être considéré et géré de la même manière. Il convient donc de hiérarchiser les règles. On peut donc considérer (c’est une proposition, qui est loin d’être universelle...) trois niveaux :

  • La Loi. Elle correspond aux interdits de base (menaces vis à vis de l’adulte, vol, racket, viol au sens large du terme...) plus quelques interdits que l’on pense pouvoir rajouter en fonction de notre public (interdit de l’alcool...). On voit bien, à travers ces interdits, que la sanction doit être forte : exclusion du séjour.... Et quelles que soit la sanction décidée par l’équipe, celle-ci doit être connue à l’avance des enfants ou des adolescents. Si elle n’est pas connue, elle risque d’être considérée comme une injustice, et par l’ensemble du groupe. Ressenti légitime car n’oubliez pas que sur ce point de la Loi, vous cumulez les rôles : législateur, police (enquête : on ne peut sanctionner que si l’on est sûr de la responsabilité de la personne), juge...
    La sanction forte connue par tous les enfants/jeunes permet donc de montrer les limites du non-négociable et si besoin la sanction doit s’appliquer. Si besoin (ce qui signifie comme pour la menace sur adultes qu’il ne peut y avoir discussion) parce que l’application de la sanction a une valeur d’exemple.
    Si l’on pense avant de partir ne pas être dans la capacité à faire respecter la Loi, il est préférable de ne pas partir. Prenons un autre exemple : pendant quelques années sur un quartier les séjours ados ont été non mixtes, car on ne pouvait garantir à 100% la sécurité des filles...
  • La règle. Elles peuvent correspondre par exemple aux horaires de sorties, fonctionnement du groupe...Elles se caractérisent entre autres par leur caractère en partie négociable : il n’est pas rare de négocier le fonctionnement d’un séjour, les horaires de sortie... Cela fait même partie des enjeux de démocratie que l’on doit tenter d’instituer sur nos structures. De fait quand il y a transgression, il doit y avoir sanction. Mais dans ce cas la sanction n’a rien à voir avec la sanction appliquée lors d’une transgression de la Loi. Elle peut même être parfois discutée avec l’enfant ou le jeune...
  • La consigne relève de tout ce qui est du bon sens mais que vous ne pouvez pas mettre en place au risque de sanctionner trop de gens et trop souvent. Il n’empêche que la consigne doit être connue et que l’équipe peut (doit) se fixer des objectifs par rapport à ces consignes.

Ce qui est donc important sur nos structures c’est que les enfants, les adolescents prennent consciences de ces trois niveaux.

Sanctions ou punitions
La punition est la peine subie par quelqu’un, elle sous-tend une contrainte, ses synonymes sont châtiment, correction. La sanction et la punition se différencie en ce sens que la sanction ne s’exprimera pas forcément par la contrainte. Si celle-ci était présente, et elle pourra parfois exister de façon forte, elle sera toujours en cohérence avec l’acte posé, cette cohérence sera argumentée.

Comment sanctionner ?
Quelques principes au préalable :

  • Il est normal que les enfants transgressent même si ce n’est pas acceptable :ça peut relativiser les choses et nous faire réfléchir à une posture en adéquation avec l’acte.
  • La transgression peut être aussi l’occasion de réfléchir à notre propre fonctionnement collectif (la journée, les activités étaient mal organisées et la transgression peut être un mode de réponse)
  • La transgression peut parfois aussi révéler l’inaptitude de la règle avec une nécessité de la changer après une réflexion en équipe
  • Éviter le conflit en escalade : savoir donner une chance...
  • Respecter l’enfant ou l’adolescent. Si vous êtes amenés par exemple à bloquer physiquement un enfant (et éventuellement lui faire mal s’il se débat), lui signifier verbalement que vous l’aimez et lui expliquer les raisons pour lesquelles vous le bloquez...
    En dehors de ces quelques principes notons au moins (il en existe d’autres) deux types de sanction : le contrat et la perte de droit.

Le contrat.
La loi ou la règle n’a de sens que si elle est pertinente, elle n’a pas à être mise en place pour faciliter le travail de l’adulte au détriment de l’enfant si elle n’a pas été comprise. Notre rôle sera d’expliquer le sens de la règle, d’écouter les arguments de l’enfant, de négocier son acceptation qui ne sera pas forcément toujours son accord et de passer avec lui un contrat. Le contrat pourra être alors la sanction. Il sera souvent nécessaire d’annoncer à l’enfant les conséquences auxquelles il s’exposerait en cas de récidive. Si celles-ci sont annoncées, elles seront forcément mises en œuvre si la récidive apparaissait. Nous aurons donc besoin de bien mesurer nos propos afin qu’ils puissent être réalisables.

La perte de droit
La perte de droit est temporaire et vise à réduire l’autonomie de l’enfant. Si les enfants ne respectent pas les règles du repas ils peuvent par exemple perdre le droit de s’installer librement à table et le regagner après l’établissement d’un contrat. La perte de droit permet à la fois de maintenir un lien entre l’acte et la sanction et de se donner des perspectives de retour : regagner ses droits...

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