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Les repas, ça doit pas prendre la tête...

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Quand c’est la pluie c’est raviolis

Troisième journée de marche d’un camp itinérant, troisième journée de déplacement en moyenne montagne et d’alimentation adaptée aux contraintes de poids et de conservation. Nous sommes en retard et il pleut depuis le milieu de la nuit. Rien ne va comme prévu, le moral de tous tend vers l’infini négatif. Nous arrivons enfin sur le confortable camping municipal, objet des nos rêves depuis trois jours. Il y a une salle pour se mettre à l’abri, un séchoir... Enfin revivre ! Chacun sèche tant et si bien que toute notre superbe organisation par petits groupes de gestion tombe à l’eau avec le déluge ambiant, et que personne ne se décide à aller faire les courses pour son groupe.
Le repas du soir fut alors entièrement pris en charge par les adultes, en reportant le rééquilibrage alimentaire au lendemain. Au menu : charcuterie et grandes tartines de pain, raviolis (une grosse boîte pour deux), et crême Mont Blanc au chocolat dans les mêmes proportions que les raviolis. Gâteaux secs en accompagnement bien entendu. Le tout arrosé de Coca et de boisson à l’orange.
On est ensuite allés « en ville » boire un coup et jouer au flipper et au billard américain. Il pleuvait moins. De l’avis de tous, repas et soirée ont été supers.

Naïma et les sandwichs

Naïma ne connaît qu’une façon de s’alimenter : glisser le contenu des plats servis à table entre deux tranches de pain, napper généreusement d’harissa, puis se lever et manger son sandwich en tournant autour des tables et en se promenant ça et là. Pourquoi faire autrement ? D’abord la bouffe est pourrie, et puis allez, prends-moi pas la tête, chez moi je fais toujours comme ça. Après plusieurs jours de tolérance et de discussions elle consent à manger ses sandwichs à table et à y rester à peu près assise durant la plus grande partie du repas. Il faudra encore plusieurs jours pour qu’elle limite sa consommation de pain, sans pour autant varier dans ses choix et ses refus et sans modifier son utilisation du piment.
Entraînée un jour dans la réalisation d’une chakchouka collective elle y participera activement, s’appropriera totalement les mérites de la réalisation du plat et le vantera auprès des convives en reprenant mot pour mot nos arguments habituels portant sur la découverte des goûts, sur la qualité des composants utilisés et sur l’intérêt diététique des légumes cuits... Mais, histoire de tout soit bien à sa place, elle n’oubliera pas en fin de repas de rappeler à l’adulte investi dans cette difficile relation à la fois diététique et éducative que d’accord c’était balaise ton truc mais faut pas croire que tu m’as eue...
N’empêche qu’elle est restée de plus en plus assise à table, qu’elle a quelques fois mis la main à la pâte et qu’elle a un peu varié ses préférences alimentaires.

D’autres sandwichs

Un séjour d’adolescents au ski, avec une présence sur les pistes en journée continue depuis onze heures du matin jusqu’à la fermeture de la dernière remontée. Un solide petit déjeuner, puis il faut s’organiser pour manger quelque chose là-haut.
Une idée géniale est vite sortie du groupe et a fait l’unanimité : on n’a qu’à faire des sandwichs : c’est rapide, c’est bon, et puis ça prend pas la tête ! (Déjà que tu nous la prends pour les repas du soir...).

Nous sommes peu à peu passés du classique sandwich jambon aux sandwichs à base de crudités, fromages, viandes froides, moutarde, mayonnaise, ketchup... Chacun puisant dans des saladiers et des assiettes de composants variés. Un seul invariable, incontournable : les deux tranches de pain. Mais là aussi avec de la variété : baguette, pain de mie, pain brioché...
Et d’expliquer le midi à d’autres jeunes à côté de qui nous mangions, assis les fesses dans la neige, qu’il n’ont pas de chance que leurs monos ne pensent qu’à des sandwichs au jambon parce que les mélanges c’est super bon, et en plus c’est vrai que ça prend pas trop la tête.

La vraie vie

Les mêmes skieurs aux sandwichs, par groupe de cinq, avec un adulte dans des appartements en station de ski.
Un projet de vie collective : préparer des menus, faire les courses, prendre les repas ensemble... Et une réalité adolescente : la vraie vie est en dehors avec les copains et les copines des autres appartements. Elle se passe dans les salles de jeu de la station, dans les cafés bondés de jeunes, à la patinoire. Surtout pas à table, à quelques uns, qui plus est avec un mono ! Une fois de plus, faut pas que la bouffe ça prenne la tête...
Alors une alimentation visant à l’économie du temps passé à faire les courses, à l’économie du temps passé à la préparation, à l’économie du temps de vaisselle. Sans parler des critères d’une « bonne alimentation » selon les ados, assez éloignés des canons de l’équilibre alimentaire fixés par les spécialistes et prenant en compte les calculs de quantités produits par les mêmes spécialistes.
Alors ces repas pris au lance-pierre privilégiant le steack-purée plutôt que la blanquette, le pâté plutôt que les carottes rapées, les bananes plutôt que la salade de fruits frais (d’autant plus que ça existe tout fait, en boîte).
Et quelle intervention est possible sur une courte durée alors qu’il fallait déjà se battre pour que les repas soient pris ensemble avec des menus discutés ensemble et avec des courses faites par roulement ?

François Chobeaux, Les repas, ça doit pas prendre la tête..., les cahiers de l’animation vacances loisirs, 1995.

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