Accueil > Pris sur le vif > Le gâteau au chocolat
Mickaël a 9 ans. Son milieu familial est difficile. C’est un garçon violent. Il passe son temps à se battre et a des comportements qui sont à la limite de mettre les autres enfants en danger.
Tout est prétexte et la situation empire. Plus Mickaël agresse les animateurs et les autres enfants, plus le reste du groupe lui renvoie une image négative de lui-même qui le conforte dans ses actes.
Les animateurs commencent à « craquer ».
Un jour où étant allé faire les courses pour le centre, j’avais raté le repas des enfants et mangeais seul dans la cuisine, un animateur arrive à bout de nerfs, tenant Mickaël par le col.
« Tu sais pas ce qu’il a encore fait ? »
Et après m’avoir donné quelques détails, s’adressant à Mickaël :
« Te voilà chez le directeur, tu l’as bien cherché... »
L’animateur va rejoindre son groupe.
« Tu aimes le gâteau au chocolat ? »
Le regard change, visiblement déstabilisé.
« J’en suis au dessert, tu ne veux pas un morceau de gâteau au chocolat ? »
Son regard semble me dire : je ne comprends pas, normalement tu devrais me punir, tu fais tout de travers !
Finalement, il balbutie : « Non, merci. »
Le caractère poli de sa réponse me surprend un peu.
J’ai terminé mon repas, Mickaël est resté à côté de moi et m’a regardé silencieusement. Puis, il m’a accompagné une partie de l’après-midi. Durant ce temps, je ne lui ai rien demandé de me promettre.
Le soir, il a regagné son groupe. J’étais inquiet : n’allait-il pas faire le bravache devant les autres ? Profiter d’une situation qu’il aurait pu interpréter comme une faiblesse, pour redoubler de violence avec un sentiment d’impunité ? Mais non, il est revenu dans le groupe de manière discrète, et son comportement ultérieur s’est même plutôt amélioré (bien qu’il ait continué à se battre assez régulièrement).
Le but de ce récit n’est pas de proposer une recette face à une situation de violence. Il n’y a rien à reproduire et les solutions toutes faites n’existent pas.
Lorsque j’ai eu devant moi ce gamin qui n’attendait qu’une seule chose, se faire punir, j’ai senti qu’il était temps de sortir, même pour quelques heures, de cette spirale de violence ; que Mickaël n’en sortirait pas tout seul, et qu’il n’y avait que moi, adulte, susceptible de rompre ce cercle infernal.
Je lui ai en quelque sorte fait un croche-pied afin de le faire trébucher sur sa logique bien établie agression/répression/agression...
Était-ce lui qui aller m’amener à le maintenir dans ses certitudes, ou était-ce moi qui allait l’amener à réfléchir ?
Olivier Ivanoff, Les Cahiers de l’animation Vacances Loisirs n°22, ©CEMEA, Avril 1998.