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Préparer la découverte

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Après plusieurs années d’encadrement du même centre de vacances, l’environnement local a été peu à peu investi : camping à la ferme ou au bord du ruisseau, sorties de pêche, balades dans la forêt de Vendôme... Mais l’impression générale qui se dégage pour notre équipe de direction est que le centre de vacances “ traverse le milieu ”, sans vraiment prendre le temps de le connaître et d’y vivre, sans entrer dans la perception et la compréhension de l’espace et de la culture qui l’environnement. Elle décide de s’approprier plus activement le parc attenant de 22 hectares, sous-exploité et d’investir l’environnement local.

L’expérience des équipes de direction et d’animation consolidées sur plusieurs années a donné envie d’aller plus loin dans la rencontre et la découverte de l’autre, dans la mesure de la différence, et au-delà dans le rattachement à de l’histoire humaine. Le côté « nature » vécu jusqu’ici nous semble trop restrictif, nous voulons entrer en contact avec un mode de vie, une culture, des hommes et permettre ainsi aux enfants de vivre une autre expérience d’ouverture au monde. Cela a conduit l’équipe de direction à penser la préparation comme un temps d’appropriation du projet pédagogique, à faire vivre aux animateurs une démarche de « plongée » dans le milieu, afin de s’en imprégner et d’y prendre des repères pour leurs projets de vie durant le séjour avec des enfants.
La durée prévue initialement pour cela est trop courte. Un troisième jour serait plus propice à ce travail car le groupe ainsi constitué est peut-être plus disponible pour vivre cette démarche d’investigation. Il est important d’accompagner cette démarche pour définir des pistes d’entrée. Nous avons donc décidé de nous répartir sur trois zones géographiques : le village et ses environs immédiats, de 5 km à 10 km dans la Vallée et de 10 km à 20 km dans la Vallée. La Vallée du Loir structurera et limitera ce découpage. Pentecôte... Deux jours de travail sont déjà passés, des groupes de découverte se constituent avec des animateurs de chaque groupe d’âges. Rendez-vous est pris en fin de journée pour faire le point de nos découvertes. Avec quatre animateurs et une adjointe qui ne souhaitait pas mener le moment, je me dirige vers le village et ses environs. Première avancée timide dans le village et découverte d’un quartier inconnu de nous y compris des plus anciens dans l’équipe. Surprise, il y a des maisons anciennes. Premiers repérages d’architecture, premiers dessins. Très vite, nous avisons des puits. Leur construction, leur situation particulière nous marquent. Aujourd’hui, ils sont fleuris mais hier quelle place avaient-ils dans la vie du village ? Et aujourd’hui servent-ils encore ? Puis nous rencontrons Madame Lecure. « Ah, c’est la colo ? Mes filles y ont travaillé, moi je l’ai fournie pendant vingt ans en fruits et légumes ». Nous discutons. Lorraine, 8 ans, sa petite fille, nous a rejoint et projette de venir cet été. Mme Lecure nous propose de venir voir ses derniers animaux. Plus loin nous voyons un autre éleveur, un peu réticent, un peu éloigné avec vingt vaches, « des hollandaises nerveuses » , précise-t-il. « Non, il ne sera pas possible de venir le voir » . Étant en plein village, il ne les sort plus et les nourrit sur place. Déception. Nous allons voir un chevrier. « Venir à la traite ? Oui, c’est possible mais fabriquer le fromage ?... » et avoir sur la table, du beurre fait à la ferme, à 6 km de là. Nous somme « hors zone » , tant pis, nous y allons. Thérèse (on apprendra plus tard son prénom) nous accueille. On visite l’étable, la pièce où est la baratte. Premières commandes pour l’été et premier rendez-vous. Nous repartons aussi avec quelques fromages « pour le goûter ». Passage devant la champignonnière avec une petite route et des maisons troglodytes qui invitent à de nouveaux dessins avant de retourner au centre.

Le groupe le plus éloigné dans sa visite nous parle de Troo et de ses troglodytes, d’un habitant Pierre et de son jars Jean-Michel, d’une île sur le Loir où l’on pourrait camper, d’un chevrier à Montoire et de la possibilité de fabriquer du fromage. Le troisième groupe nous parle du château de Bonaventure, du ruisseau, le Boulon. C’est une vraie cueillette que nous partageons.

Maintenant, il s’agit de « transformer l’essai ». Nous disposons de trois jours avant l’arrivée des enfants, pour engager les animateurs à passer à l’aménagement d’un lieu sollicitant à construire des projets. Ces trois jours doivent alterner formation et mise en place. Il manque des compétences, aussi nous avons fait appel à une personne des Ceméa, Georges, qui viendra pour cet avant-séjour et le démarrage. Le groupe, avec Georges, va d’abord investir le parc puis les environs immédiats du centre. Première promenade à l’écoute des oiseaux, à la recherche de traces d’animaux, à l’observation des arbres... À nouveau du dessin, cette fois-ci on peint même avec des fruits et des végétaux. Promenade au village et rencontre du boulanger. Puis on aménage un poste pour observer les paons qui vivent dans le parc, on y situe des invitations à voir, on cueille des céréales ; les cernes des années sur un morceau de tronc, des cailloux, des fossiles sont mis en valeur. On a ramené des insectes d’eau du Boulon. L’aquarium est installé, tout comme la documentation. Peu à peu, le hall du château a été investi car c’est « un endroit où tout le monde peut aller ». Au mur, on affiche des dessins, des peintures... Un peu plus loin, dans une ancienne serre, le coin peinture s’égaye encore de nouvelles peintures à la gouache et aux éléments naturels. Chez les plus grands, on a déjà quasiment construit un rallye Nature et découverte avec Georges. Nous sommes aussi revenus chez Thérèse à « la ferme au beurre ». Michel, son mari se prépare pour la moisson. Sandra, une animatrice pourra-t-elle venir voir avec des enfants ? Michel est réticent, à cause de la machine dangereuse. Thérèse nous parle de la traite, et puis nous prenons nos fromages, notre crème, notre beurre. Quel succès au petit déjeuner ! Il a vraiment un goût différent et, dès leur arrivée, les enfants ne le démentiront pas. Tout est en place et le premier jour passé, très vite on fourmillera. Séverine et Hervé partiront chez le chevrier, et les grands fabriquent du fromage. Elsa ira voir la traite. Pour ce groupe, il y aura un repas à une autre heure le soir même si Michel et Thérèse nous ont proposé d’avancer l’heure de la traite.

Les petits et Elsa reviendront avec de la crème que l’on va transformer en beurre ; pour les 6-7 ans c’est une découverte. Avec d’autres enfants du même âge, Delphine va aller voir le boulanger. Cela aboutira un matin, à un deuxième pétrissage et une deuxième fournée à 8 heures.

À midi, les enfants reviendront avec leur pain. Pendant ce temps, le coin nature bouge, des dessins se rajoutent, après la libération du grillon, de la sauterelle ou du lézard. Certes, quelques grillons ou sauterelles périront mais c’est aussi Jimmy qui me dira : « Ma sauterelle, je veux pas que les lézards la mangent, et les grillons ils sont trop gros pour être avec elle. » L’attention aux bêtes, à leur préservation est là. Des rapports se créent. Au départ du camping le chevrier ne veut plus qu’on lui paie les fromages et préfère venir au centre. Un grand goûter de fête concocté par le groupe des grands les accueillera, lui et sa femme. Le groupe d’Elsa retournera à la ferme de Thérèse et Michel pour l’arrivée des petits cochons, pour les volailles et aussi pour la moisson. Sandra, elle, ira cueillir des cerises pour faire un clafoutis, chez Mauricette, l’aide-cuisinière du centre.

Un premier grand jeu se vit dans le village. Pour un groupe, il s’arrêtera très vite dans les branches d’un cerisier où ils seront invités à grimper ; pour un autre, dans une autre maison, ce seront un goûter et un jus d’orange. Quelle surprise pour les petits banlieusards : « Ils sont gentils les gens ici ». Michel viendra au centre avec Thérèse. Eux aussi découvrent un lieu, et une vallée qu’ils ne s’imaginaient pas près de chez eux.

Le maire vient. Il se propose pour organiser à l’avenir une visite du village. La dame du bureau de tabac et l’ancien maire pourront sans doute nous prêter des photos du début du siècle.

Dans cette fin de séjour, une autre aventure s’annonce déjà. Poursuivre la connaissance d’une autre façon de vivre, la rencontre de l’autre, de sa différence, de sa richesse, de tout ce qui fait encore notre quotidien.

Francis Rouquette, Les Cahiers de l’Animation n°21, Janvier 1998

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